Historique et Tradition

Recherche et texte par Pascal Hurni

Prilly et les Curinöts du début du 19ème siècle.

Lors d'une première édition du livre historique consacré à Prilly, village devenu ville en 1962, proche d'ici (Assemblée générale 2012 à Crissier) et limitrophe à Lausanne, notre historien Monsieur André Schertenleib, avait déjà abordé le sujet de l'immigration piémontaise et Curinöt des années 1900.

L'entreprise des Frères Ferraris, sise à Prilly et active jusque dans les années 1970 y est citée pour la construction de plusieurs habitations remarquables sur notre territoire communal.

Ils ont été très actifs dans la construction de l’Hôpital de Cery et même en France voisine où ils avaient obtenu le chantier du Casino d'Evian.

Qui s'en souvient?

Dans un deuxième fascicule très intéressant édité en 2011, une page plus importante est consacrée aux rapports que Prilly a entretenus avec Curino. Un descriptif plus détaillé avec les noms des personnes ayant émigré dès la fin du 19ème siècle dans notre commune. Des informations historiques et géographiques complètent aussi cette présentation à l'honneur de notre chère commune Piémontaise.

Ce petit moment d'histoire retrace plaisamment les liens, peut-être en passe d'êtres oubliés, qui relient la région lausannoise à Curino.

Naturellement, nous sommes tous plus ou moins concernés (mais plutôt plus !!! que moins) par nos liens familiaux qui nous rattachent à ces deux régions et par notre appartenance à notre société Pro Curino fondée en 1919.

Plus qu'une anecdote, l’existence d'une société de secours mutuels, créée ici par les premiers émigrants en 1879, et déjà appelée Pro Curino, a été établie. Elle démontre déjà l'esprit prévoyant et constructif de nos Curinöts.

Etonnant non?

(Claude-Pascal Hurni pour l'Assemblée générale de la Pro Curino, le 19 février 2011).

Documents tirés de l'ouvrage " Prilly à l'ombre d'un tilleul " de la fin du XIXème siècle aux années 1930 Edition 2000 Document N° 20 tiré du fascicule " Miettes d'histoire locale" d'André Schertenleib, Prilly 2010

Les Ferraris

Dans cet âge d'or de la construction qu'est la charnière XIXe-XXe siècle, l'ascension des Ferraris est exemplaire. La première génération, ce sont les maçons Joseph et Jacques, de Curino dans la province de Novare, et qui viennent à Prilly régulièrement comme saisonniers dans les années 1870. Ils s'installent définitivement dans la commune un peu avant 1880, en construisant en Sus Vellaz une maison qui devient le siège de leur petite entreprise et où ils ne tardent pas à loger les ouvriers qu'ils font venir de leur village. Louis et Martin, les fils de Joseph, apprennent le métier; en famille, on travaille dur et l'entreprise prospère, décrochant même le chantier du Casino d'Evian! L'heureux résultat de l'affaire permet aux deux frères d'édifier la maison Les Apennins pour s'y installer avec leur mère, et d'acquérir le bâtiment utilitaire voisin comme base de chantier; ils construisent un peu plus haut une ferme qui abrite leurs chevaux de trait. Louis, devenu gendre de Jules Ray, tenancier de la Treille, obtient la bourgeoisie de Prilly en 1916 ainsi que son fils Robert qui va atteindre ses vingt ans. Entre-temps, les Ferraris se sont mis à construire pour leur compte, entre la Vallombreuse et Montétan toute une série d'immeubles où fleurissent des noms de la Péninsule: Les Apennins bien sûr, L'Etna, Le Vésuve ... Entre les deux guerres, ils se trouvent ainsi à la tête d'un petit empire immobilier

Pendant longtemps, Louis Ferraris, réfractaire au compte de chèques, s'essouffla dans d'innombrables montées d'escalier pour encaisser ses loyers; on connaissait bien dans le quartier sa silhouette voûtée et son pardessus noir. Avec la génération suivante - Robert, fils de Louis, ·associé au gendre de Martin - l'entreprise fondée par les petits maçons de Curino subsista jusque vers 1970.

Immeuble Les Apenins
Créée à la suite de l'inondation de 1889, l'Entreprise de correction fluviale du Fion et de ses affluents, subventionnée à 40% par la Confédération, procéda à la canalisation d'une partie du cours du Galicien. Elle fit appel à des entreprises locales, dont Ferraris frères.

Prilly et Curino

Curino? Il faut une carte détaillée pour repérer cette commune de l'étage collinéen piémontais proche de Biella, à une trentaine de kilomètres environ au sud du Mont-Rose. Région autrefois pauvre, qui connut fin XIXe-début du XXe siècle une émigration massive : la commune, groupant une quarantaine de hameaux, comptait 2500 habitants en 1860 ; il en reste moins de 500 aujourd'hui.

En 1868 s'ouvre le chantier de Cery, qui durera jusqu'en 1873. L'afflux de saisonniers, logés dans des baraquements sur place , peut être suivi de manière très précise dans le registre des étrangers de la commune de Prilly. C'est ainsi que pour l'année 1868 le nombre d'inscrits dépasse la centaine. Dans le nombre, une majorité d'Italiens, principalement de cette région de Novare, d'où la Suisse est accessible par le col du Simplon. Une bonne dizaine viennent de Curino. On imagine leur voyage : une bonne semaine de marche, ou un peu moins pour ceux qui pouvaient s'offrir le train depuis Sion, point extrême atteint alors en Valais par la voie ferrée .

Créée à la suite de l'inondation de 1889, l'Entreprise de correction fluviale du Fion et de ses affluents, subventionnée à 40% par la Confédération, procéda à la canalisation d'une partie du cours du Galicien.

Immeuble Les Apenins
Les Apennins (route de Neuchâtel). Ce bâtiment édifié vers 1905 affirme la réussite des frères Ferraris. Ils ont en effet décroché le chantier du casino d'Evian. Ils construisent alors ce bâtiment dans un style écl<libsectique en faveur dans les villes d'eaux d'alors. La maison sise immédiatement derrière leur sert d'atelier; et la ferme, un peu plus haut, abrite leurs chevaux de trait.

Elle fit appel à des entreprises locales, dont Ferraris frères.

Les Apennins (route de Neuchâtel). Ce bâtiment édifié vers 1905 affirme la réussite des frères Ferraris.

Ils ont en effet décroché le chantier du casino d'Evian. Ils construisent alors ce bâtiment dans un style éclectique en faveur dans les villes d'eaux d'alors. La maison sise immédiatement derrière leur sert d'atelier; et la ferme, un peu plus haut, abrite leurs chevaux de trait.

Dans un deuxième fascicule très intéressant édité en 2011, une page plus importante est consacrée aux relations de Curino et de Prilly. Un descriptif plus général des familles émigrées dès la fin du 19ème siècle dans notre commune, des descriptifs historiques et géographiques complètent cette présentation à l'honneur de notre chère commune Piémontaise. Ce petit moment d'histoire retrace les liens peut-être en passe d'êtres oubliés et qui relient la région lausannoise à Curino et naturellement, qui concernent tous en qualité de membres de la Pro Curino.

A propos de la famille Ferraris de Curino :

29 février 1872

Joseph Ferraris de Curino obtient un permis de travail. Il fait partie des ouvriers engagés sur le chantier de Cery (1868-1873), dont beaucoup viennent de Curino ou des environs immédiats.

3 mars 1873

Permis de travail accordé à Guillaume Ferraris

13 mai 1875

Charles et Louis Ferraris achètent un terrain en Sus Vellaz. Il s’agit d’une parcelle d’assez grande étendue qui va jusqu’au chemin de l’Union et même au-delà. C’est sur ce terrain, dans un emplacement à cheval sur l’actuel chemin de la Lande, à 80 m environ du ch. du Vieux Collège, qu’ils construiront leur première maison.

1883

La maison est construite, puisque deux ouvriers inscrits au contrôle des habitants ont pour domicile « chez Ferraris »

1er mai 1888

Arrivent de Curino Joseph Ferraris, feu Jacques, maître maçon, et Jacques, maçon.

1889

Arrivent 12 ouvriers italiens, tous « chez Ferraris ». Par la suite, jusqu’à 23 ouvriers sont logés « chez Ferraris »

1894

Achat de terrain à Gaulis (limite Prilly-Lausanne) par les frères Ferraris

1895

Les entrepreneurs Ferraris frères sont parmi les premiers abonnés au téléphone. No 292.

Octobre 1896

Permis de construire accordé aux Ferraris pour un bâtiment en Sus Vellaz. Il s’agit sans doute d’une aile attenante au premier bâtiment. J’ai le souvenir de deux constructions formant un L

1898

Nouvelle vente de terrain par Gabriel Gaulis aux frères Ferraris. Lieudit : Moilles de la Suettaz (limite Prilly-Lausanne).

10 février 1902

Sanction contre deux employés de Ferraris pour avoir fumé dans l’écurie de leur maître

26 sept. 1904

Enquête Ferraris pour construction d’un bâtiment d’habitation sur leur propriété les Apennins.

12 juin 1905

Les Ferraris demandent d’être alimentés en électricité par la commune de Lausanne, pour leurs immeubles jouxtant la limite communale.

30 avril 1906

Enquête Ferraris pour construction avec grange et écurie sur leur propriété aux Apennins. Les entrepreneurs avaient besoin d’un train agricole pour y loger et nourrir leurs chevaux. J’ai connu cette ferme, située à l’ouest de l’actuel chemin Guiguer de Prangins ; elle était tenue par un nommé Roland.

1908

Ferraris Martin et Louis, Ferraris veuve, Les Apennins

1914

Les Ferraris vendent diverses parcelles dans la région du chemin de l’Union et environs

22 juillet 1922

Le Conseil accepte la demande de naturalisation de Louis Ferraris et de ses enfants. Le fait qu’il ait épousé une Vaudoise, qu’il soit dans la commune depuis 40 ans, parle en sa faveur. On aurait hésité en d’autres circonstances à accorder la naturalisation à des ressortissants d’un pays en guerre, l’un d’eux, Robert, étant sur le point de devoir répondre à ses obligations militaires. La séance du Conseil a été avancée de 8 jours pour que la décision parvienne au Grand Conseil pour la prochaine session.

13 nov. 1916

Inscription au registre des nouveaux bourgeois Louis Ferraris, de Curino (Navarre, Italie) (sic), né à Curino le 9.10.1869, fils de Joseph et de Félicie, sa femme Fanny, née Ray, née à Crissier le 11.7.78, fille de Jules Ray et de Adèle Taillens, ses deux enfants mineurs qui sont Robert Louis, né à Prilly le 4.9.96, (en fait majeur au moment de l’inscription) Aline Berthe, née à Prilly le 15.1.1901. Mariage Ferraris-Ray à Romanel le 13.8.1896. Finance de bourgeoisie 2500 Fr.

5 juin 1943

Ferraris Martin décédé 5 mai 1943. Actif 641 835,15 Fr., dettes 325 178,15 Fr., à Maria Motta et Mathilde Pegurri, filles.

Ne figurent pas dans ce relevé les multiples mandats de travaux attribués par la Municipalité à Ferraris frères, première entreprise de maçonnerie fondée sur la commune.

Sources

Archives communales : PV de la Municipalité, du Conseil communal.

Registre des étrangers.

Archives cantonales vaudoises : Registres des droits de mutation.

Sous réserve de fautes de copie. Il manquerait un tableau précisant les liens de parenté, pas faciles à démêler sur la base des renseignements à disposition.

Mis à jour en mars 2012 par André Schertenleib – Prilly

L'afflux de ces Curinesi continue les années suivantes : une fois la filière amorcée, les frères, les cousins, les amis suivent l'exemple des premiers émigrants. Des noms maintenant. Ils prouvent donc que l'on vient souvent en famille : Trois Chiocca, deux Zanone, trois Pagliazzo... 'Tiens, voici maintenant des patronymes qui nous sont devenus familiers : Bertola, Francioli , les deux frères Ferraris . Venus avec leur chemise, ces ouvriers vont mettre à profit leur force de travail et leurs capacités professionnelles pour s'établir à leur compte avec succès ; en particulier l' entreprise Ferraris va se constituer un petit empire immobilier aux confins Lausanne-Prilly, au-dessus de l'avenue d'Echallens.

De la commune piémontaise, 1' émigration vers la région lausannoise se poursuit après la clôture du chantier de Cery: s'installent entre autres des Borgnana, Gabella, Locca, Montangero, tandis que l'on voit apparaître en Valais le nom Gianadda... La création en 18 79 d'une société de secours mutuels Pro Curino prouve à la fois le nombre de ces expatriés ainsi que leur esprit de solidarité.

Esprit qui se manifeste encore en 1919 par la fondation d'une association Pro Curino Lausanne, encore très active aujourd'hui avec quelque 130 membres. Un périodique semestriel largement illustré, la Voce di Curino, maintient le lien entre les descendants des émigrés et la petite commune piémontaise, près d'un siècle et demi après l'arrivée de ses premiers ressortissants sur les hauts de Prilly.

A noter que plusieurs patronymes correspondent au nom d'un des nombreux hameaux de Curino dont ils sont issus :frazione Gabella, Montangero , Gianadda, etc ...